DE BOUCHER A MILITANT VEGAN
- Nouvelle Veg
- 2 oct. 2019
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 oct. 2020
PAR CHLOE TESLA. Cet article ne comporte pas d'images chocs, sauf un documentaire en vidéo à visionner en cliquant dessus.

Rémi Thomas est un militant vEganE de 30 ans. Il est devenu antispéciste à l’âge de 27 ans alors qu’il travaillait en tant que boucher.
Zoom sur une transition atypique et engagée !
Pendant combien de temps aVEZ-VOUS travaillé en boucherie ?
J'ai travaillé 2 ans en boucherie, de juin 2016 à avril 2018. J'ai également été cuisinier pendant 7 ans de 2005 à 2012.
Quel a été l’élément déclencheur de VOTRE prise de conscience ?
Ma prise de conscience s'est déroulée en plusieurs étapes. J'ai d'abord découvert le véganisme sur internet. Je voyais ce "mode de vie" comme je voyais le bouddhisme.
Cela ne devait engager que les personnes qui s'y intéressaient et le respect qui découlait de leurs modes de vie, était purement optionnel.
Plus tard, j'ai découvert les vidéos d'abattoirs de l’association L214, une première claque pour moi !
Voir la souffrance des animaux, la façon dont ils résistent, lire leur peur, entendre leurs cris, m’a fait comprendre que ce qu'on appelle « viande » n'est pas quelque chose mais quelqu’un, quelqu'une.
Ce qui me choquait n'était pas la manière dont on tuait, mais le fait de tuer des innocents, tout simplement. Après avoir vu ces images, j'ai su que j'allais devoir devenir végétarien.
Comment se sont passés VOS 1ers jours de végétarisme ?
Pendant une dizaine de jours, j'ai continué à manger de la viande, par culture de l’égo.
« Un vrai homme mange de la viande ! » pensais-je ! Je me persuadais que je pouvais être plus fort que ça, comme si devenir végétarien était une faiblesse.
Devenu végétarien, travailler en boucherie ne me dérangeait pas. Je voyais le meurtre des animaux comme quelque chose de triste, mais normal : « On a toujours fait comme ça », « C’est naturel ». Je m'auto-persuadais.
Et ensuite ?
En continuant à me renseigner sur l'exploitation animale, j'ai découvert au fil des semaines les vérités cachées sur l’industrie du lait et des œufs… Je savais que je devais devenir végétalien, mais je me disais « C’est bon, je suis déjà végétarien, c'est déjà bien, qu’on me laisse tranquille ! ». Je ne voulais pas renoncer au confort du végétarisme.
Je me persuadais que le végétalisme était quelque chose d'extrême, au même titre que le véganisme.
À force de vivre dans une société qui banalise l'injustice, mes valeurs étaient inversées : plus une démarche était respectueuse des animaux plus je la trouvais anormale, comme si être trop respectueux était un problème. Jusqu'au jour où j’ai visionné le documentaire « Earthlings »…
de quoi parle ce documentaire ?
Earthlings révèle les vérités cachées de l'exploitation animale, ce que les pubs ne nous disent pas, ce que les animaux subissent en secret, en coulisses. Il présente également le spécisme : cette discrimination banalisée qui fait de l'espèce un critère justifiant l’oppression. Si on veut vulgariser, le spécisme s’apparente au "racisme de l'espèce" et cela est moralement injustifiable. Ce documentaire m'a fait comprendre que je n’appartenais pas seulement à l'espèce humaine, mais au règne animal dans sa globalité. Cette prise de conscience fût monumentale ! Je venais de cesser d'être spéciste dans mon cœur, comme si le podium mental qui créé une hiérarchie au sein des espèces animales avait été anéanti.
Tout le formatage spéciste que j'avais reçu depuis toujours venait de s’effondrer.
COMMENT S'EST PASSE VOTRE PASSAGE AU VEGANISME ?
Face à ces horreurs et à l'évidence morale, je devais donc cesser d'avoir des comportements spécistes, pour exactement les mêmes raisons que je ne devrais pas avoir de comportements racistes ou sexistes : la base du respect d'autrui. Au bout de seulement 10 minutes de documentaire, je savais que j'allais devoir devenir végane, contre mon envie, et la suite du film confirma mon ressenti. Je tenais à mon confort mais je ne pouvais ignorer ce que j'avais vu. Les animaux étaient devenus une autre partie de moi, ignorer leurs souffrances aurait été les trahir et me trahir moi-même.
Comment s'est passéE votre transition VERS LA NOURRITURE végétalE ?
Ayant quelques doutes sur la fiabilité à long terme d'une alimentation végétale, j’ai mené quelques recherches. L’Académie Américaine de Nutrition et de Diététique, fondée à Cleveland en 1917, est la plus grande organisation mondiale de professionnels de la nutrition. Elle compte plus de 100 000 membres : nutritionnistes, diététiciens, techniciennes, spécialistes et autres diplômés en nutrition et en diététique. Cette organisation a publié en 2016 sa position officielle sur le végétarisme et le végétalisme dont voici une partie du résumé traduit en français :
"L'Académie de Nutrition et de Diététique déclare que les régimes végétariens et végétaliens, biens menés, sont sains, nutritionnellement adéquats et peuvent avoir des effets bénéfiques sur la santé dans la prévention et le traitement de certaines maladies. Ces régimes sont appropriés à toutes les étapes de la vie, y compris la grossesse, l'allaitement, la petite enfance, l'enfance, l'adolescence, le troisième âge ainsi que pour les athlètes."
Me voilà donc rassuré ! Seule une supplémentation en vitamine B12 est nécessaire et entre se supplémenter ou faire souffrir des milliards d'animaux dans le monde, le choix était vite fait !
COMMENT VIVEZ-VOUS VOTRE VEGANISME ?
Déjà conscient des conséquences désastreuses de l'élevage sur l'environnement (qui est la première cause du réchauffement climatique et de la déforestation), tout était évident : le véganisme n'a rien d'extrême, c'est un devoir de justice, de respect, d'écologie et de santé, un mode de vie qui découle de la démarche antispéciste. Il se vit naturellement, de la même manière qu’il est normal et bon de ne pas participer aux injustices dont sont victimes les humains et humaines.
QU'EST-CE QUI VOUS A AIDE A FRANCHIR LE CAP ?
Deux citations m'ont aidé : « Incarne le changement que tu veux voir dans le monde » (Gandhi), « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire » (Albert Einstein).
En bref, le changement collectif commence par le changement individuel.
La route du réel respect envers les animaux était une voie inconnue pour moi, mais elle était nécessaire car le respect n'est pas une option.
Quelle était VOTRE vision des véganes avant de le devenir ?
Je faisais une distinction entre celles et ceux qui étaient véganes et celles et ceux qui militaient.
Je voyais le véganisme comme quelque chose de noble, même si je le critiquais pour fuir mon devoir de respect, mais je voyais les militants et militantes comme des personnes qui voulaient imposer leurs choix aux autres, des extrémistes. Je les trouvais ridicules quand ils et elles criaient « Justice pour les animaux ! ». Ce n'est que plus tard que j'ai compris que celles et ceux qui imposent leurs choix à autrui ne sont pas les véganes, mais celles et ceux qui ne le sont pas.
Les militants ne font que dénoncer cette dissonance et se battent pour le respect, comme dans d'autres luttes. Je suis finalement devenu comme celles et ceux que je critiquais car je le faisais simplement par incompréhension. Cette dernière ne venait pas du fait qu’ils s'exprimaient mal, mais car cela ne m'arrangeait pas de les comprendre. Il est toujours plus facile de juger plutôt que se remettre en question.
Aujourd’hui, et à mon tour, je crie « Justice pour les animaux ! »
Devenir végane a t-il été difficile ?
Je n'ai pas ressenti le besoin de trouver des alternatives à la "viande" (simili carnés) même si j'en achète de temps à autre pour diversifier mes assiettes. En revanche, passer de végétarien à végétalien fût difficile car à cette époque, je ne connaissais pas les alternatives véganes. Mais ma difficulté n’était rien à côté des conditions de vie des animaux.
Les œufs et le lait sont souvent présents dans les recettes pour les textures qu'ils permettent, plus que pour leur goût. Du coup, il suffit de trouver des ingrédients d’origine végétale permettant ces mêmes textures pour avoir les mêmes recettes avec les mêmes goûts (ou très proches).
De quoi vous êtes-vous nourri au début ?
N'étant pas entouré et que peu renseigné durant ma transition, j'ai dû végétaliser mon alimentation avec les clichés que l'on connait : manger seulement des féculents, des légumes poêlés et des fruits. « De l’herbe et des cailloux » comme ils et elles disent !
Le plus difficile a été d'arrêter le fromage. Malgré le sentiment de privation, j'ai mis 2 mois pour passer de végétarien à végétalien.
ET COMMENT VOTRE ALIMENTATION A T-ELLE EVOLUE ?
J'ai découvert ensuite les fromages végétaux et autres alternatives aux produits issus de l’exploitation animale. L'alimentation végétale est très riche, c'est juste moi qui était pauvre en terme de connaissances sur le sujet. Devenir végane peut être facile quand on est entouré, curieux et renseigné. De cette façon, il n'y a pas de sentiment de privation, très facilement surmontable quand on se concentre sur les raisons de notre transition : les victimes animales. Une fois les dépendances alimentaires vaincues et les automatismes enclenchés, être et rester végane est facile, normal et ne procure pas de sentiment de privation.
Comment ont réagi VOS collègues de travail ?
Ils et elles me trouvaient bizarre, "il faut de tout pour faire un monde" me disait-on. D'autres savaient que j'avais raison, que c'était une bonne chose, mais il était hors de question pour eux de changer leurs habitudes : « Je respecte ton choix d'être végane, alors respecte mon choix de ne pas l'être ». De cette manière, ils se faisaient passer pour des personnes tolérantes et bienveillantes, en oubliant qu’eux, ne respectent pas la volonté des animaux de vivre et leur droit fondamental à la vie. Ils me demandaient de tolérer leurs intolérances ce qui est pour moi hypocrite et égoïste.
ET VOTRE entourage ?
Mon végétarisme n'a pas dérangé mon entourage.
En revanche, quand je suis devenu végane, ils et elles ont cru que j'étais rentré dans une secte...
et que j'allais avoir des problèmes de santé. Avec le temps, ils ont compris que j'avais raison. Pourtant, personne n’a souhaité devenir végane dans ma famille mais je fonde beaucoup d’espoir en mon petit frère, il nous « rejoindra » un jour, j’en suis certain.
Quels projets pour le futur ?
Bénévole dans plusieurs associations, je souhaite m'engager davantage dans la lutte contre le spécisme et dans le promotion d'un mode de vie respectueux des animaux. C’est devenu mon occupation principale ! J’ai d'abord pensé à monter une antenne dans une association déjà existante, mais ayant des projets bien précis en tête et ne souhaitant pas avoir de contraintes de communication, d'action, de format, de calendrier, j’ai pris la décision de créer ma propre association grâce à laquelle je pourrais réaliser mes projets, avec une sensibilisation visant également et tout particulièrement les bouchers et bouchères.
Si j'ai pu changer, d'autres le peuvent aussi !
Si je peux être utile de cette manière ou d’une autre aux autres animaux, je le ferai ! Tout est encore en préparation mais l'association devrait voir le jour en fin d'année et les projets se mettront en place petit à petit à partir de début 2020. Je continue le bénévolat auprès d’autres associations. Quelque soit le collectif, je veux faire ma part et essayer à ma petite échelle de faire avancer les choses pour un monde plus respectueux du Vivant.
Chloé Tesla
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